N'en déplaise à Lafontaine, le corbeau n'est pas du genre à se laisse tromper par un renard, aussi rusé soit-il. Durant l’Antiquité gréco-romaine, Pline l’Ancien louait déjà la sagesse et l’intelligence du corbeau. Doté d'impressionnantes capacités de résolutions de problèmes, d'imitation, d'apprentissage et de mémoire, les corbeaux sont capables de fabriquer des outils, ou de communiquer avec d'autres espèces.
Différentes espèces
On confond souvent le grand corbeau avec la corneille noire. La corneille, vêtue d'une robe noire brillante, est de plus petite taille et a un bec plus effilé que le grand corbeau. Ce dernier mesure entre 52 et 69 cm de long à l'âge adulte avec une envergure de 115 à 160 cm. Sa queue est relativement longue et cunéiforme en vol. Son iris est brun foncé et son plumage noir possède des reflets bleutés. Au sein de la famille des corvidés, on trouve également des corbeaux freux et des choucas des tours. On reconnait le premier a son bec dénudé à l'âge adulte tandis que le second, de plus petite taille, se distingue par son iris blanc.
En Belgique, comme dans beaucoup de pays européens, le corbeau a été persécuté et a quasiment disparu de notre pays fin du 19è siècle. En Wallonie, l'espèce a été discrètement réintroduite dans les années septante. Le grand corbeau occupe des secteurs fort boisés où règnent une certaine quiétude, il s'installe en périphérie de grands massifs ou parfois au cœur de ceux-ci (Ardenne, Lorraine, Famenne).
Cohabitation avec le loup
On dit des grands corbeaux (corvus corax), parfois nommés "wolfbird", qu'ils sont les yeux du loup. Si les corvidés profitent de la nourriture issue de la chasse des canidés, ils guident aussi les loups vers une proie potentielle ou les avertissent d'un danger. Les deux espèces s'entraident et cohabitent. A l'instar des loups, les grands corbeaux sont présents dans tout l'hémisphère nord.
Juvéniles, les grands corbeaux peuvent se déplacer en groupe mais à l'âge adulte, ils vivent en couple de manière sédentaire. C'est une espèce sociable, qui se prête au jeu tout en pouvant démontrer de l'empathie pour ses congénères. En tant que charognard, les corbeaux jouent un rôle de nettoyeur sanitaire en dévorant des animaux tués par d'autres, y compris par l'homme. Ils peuvent également se nourrir d'œufs, de petits mammifères, d'amphibiens ou d'escargots, voire même de baies ou de fruits si nécessaire.
Mythes et cultures
Le corbeau a souffert d'une piètre réputation dans nos contrées en raison de son plumage noir, de son cri rauque, de sa capacité à imiter les voix ou encore de sa nécrophagie. Le christianisme l'a jugée impie, d'incarnation du démon ou encore de complice des sorcières. Pendant les guerres et les épidémies du Moyen-Âge, la population s’offusque que les corbeaux mangent les cadavres, mais l’oiseau n’est pas à l’origine de la guerre, ni de la famine ou des épidémies. C’est également au Moyen-Age qu’est née le qualificatif de ‘corbeau’ pour un dénonciateur. En fait, lorsqu’on chassait le renard à cette époque, le corbeau était souvent de la partie et il avait tendance par sa présence et ses cris à révéler l’emplacement du renard. L’homme a qualifié de traitre celui qui n'avait comme intérêt que de manger l’animal tué tandis que les hommes tuaient par divertissement. Dans la littérature comme au cinéma, le corbeau est étonnement associé au monde obscure de la nuit alors que c’est un animal diurne.
Mais le corbeau n'est pas perçu d'une manière aussi sombre dans toutes les cultures. Pour les peuples indigènes d'Amérique du Nord, le corbeau est souvent associé à l'origine du monde. Une légende amérindienne raconte que le corbeau est un protecteur, qu'il a apporté aux humains le soleil, la lune, les étoiles, l'eau et le feu qui étaient jalousement gardés par Aigle gris. A l'origine, le corbeau était blanc mais en apportant le feu aux hommes, la fumée de la brindille qui ornait son bec l'a coloré de noir. Chez les Vikings, le corbeau trônait fièrement sur l'étendard du célèbre Ragnar Lothbrok. En mangeant les cadavres des valeureux guerriers tombés au combat, les corbeaux guidaient leurs âmes au Valhalla. Ils étaient considérés comme des messagers qui voyagent entre les mondes.
Références :
Le corbeau, une histoire culturelle, Michel Pastoreau, éd. Seuil 2021
Mécaniques du vivant - saison 3 le corbeau, France culture radio,
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-mecaniques-du-vivant-saison-3-le-corbeau
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